Connu depuis toujours sous le terme de « tête de Turc », « Bouc émissaire » ce n’est que plus tard, dans les années 80 que le terme » harcèlement » fait son apparition en Europe.
Un élève est victime de harcèlement scolaire lorsqu’il subit, de manière répétée, des violences verbales, morales ou physiques de la part d’un ou plusieurs autres élèves.
Ces actes de violence sont, par exemple, des insultes, des moqueries, des brimades, des rejets d’un groupe, des bousculades, des coups, des vols.
On ne peut aborder la particularité du cyberharcèlement sans parler de la naissance et de l’envol des réseaux sociaux à partir de 1990, avec le développement d’internet. Puis c’est une autre révolution technologique qui contribue à augmenter l’utilisation des réseaux sociaux : le téléphone portable.
Le cyberharcèlement se définit comme « un acte agressif, intentionnel, perpétré par un ou plusieurs individus, au moyen d’un réseau de communication électronique ;
Le harcèlement et le cyberharcèlement impactent la vie des jeunes et de leurs familles parfois de manière dramatique ; Il est donc question de santé publique et de délit puni par la loi ;
Aujourd’hui, quand on porte un regard sur l’évolution du lien et des relations sociales depuis cette intrusion intimiste du numérique dans nos vies, nous pouvons d’une part en apprécier une forme de facilitation dans la communication en général mais déplorer également des effets indésirables sur la qualité des relations et des compétences sociales ; J’irai même à parler d’un lien en souffrance, en errance. Pour les plus jeunes il n’en demeure pas moins que ce mode de communication, d’interactions et de relations en ligne fonctionnent. Celles-ci peuvent être de qualité et permettre de réduire le sentiment de solitude. Néanmoins, de cette façon, le lien se tisse aussi vite qu’il disparait, en un seul clic, une icône, un emoji, un like, la couleur d’un cœur, au gré des applications, des différents réseaux sociaux qui sont devenus le carrefour de nos relations humaines.
De ce fait les amitiés, les affinités se font et se défont dans les méandres parfois inconnus du virtuel. On l’aura donc compris, malgré de nombreux avantages forts séduisants, tout peut basculer très vite et faire basculer la vie de certains jeunes. Les relations tiennent à un fil, souvent celui du téléphone.
En effet, sur le net, les informations circulent rapidement et atteignent un grand nombre de personnes connectées en même temps. Ainsi, des insultes, menaces, moqueries, rumeurs à l’encontre d’un jeune, vont le confronter à une violence soudaine, répétée, injustifiée, qui continue en dehors de l’établissement (il n’y a plus de lieu sécure, pour s’éloigner du danger). Le cyberharcèlement agit aussi à coup de piratage de compte et d’usurpation d’identité exposant la victime aux réactions agressives de ses camarades selon ce que l’usurpateur a diffusé en son nom.
C’est dans ce contexte de multiplication des situations de cyberharcèlement, et notamment au vu du jeune âge des victimes, que Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité hommes-femmes, a décidé de légiférer en la matière. La loi du 3 août 2018, renforce donc la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, car elle élargit la notion de « harcèlement » pour pouvoir y inclure la notion de « cyberharcèlement ».
Malheureusement, le virtuel a pris bien trop de place, et simultanément les actions concrètes pour éduquer les jeunes aux compétences sociales essentielles telles que la bienveillance, l’empathie, la tolérance et la solidarité sont restées dans l’ombre, tout du moins en France. Quand les jeunes se retrouvent ensemble, il est de plus en plus courant de les voir, les yeux rivés sur leur téléphone, absorbés dans des conversations avec d’autres personnes que celles réellement présentes, en lien mais à distance, séparé par un téléphone. Ils perdent la capacité d’échanger entre eux, de profiter de moments de présence réelle pour se soutenir, interagir, percevoir les messages non verbaux, ressentir le langage corporel ou déceler l’intensité ou la détresse d’un regard. Combien de signaux essentiels échappent ainsi, ne se transmettent plus ? Le lien s’affaiblit et n’a plus la même fonction ; l’attention portée aux autres mais aussi à l’environnement n’est plus aussi présente, aussi fiable et peut engendrer chez certains, de la vulnérabilité, des fragilités quand ce ne sont pas des blessures et des traumatismes plus profonds.
C’est au cœur cette fragilité que le cyberharcèlement agit pouvant rapidement isoler la victime. Plus facilement, plus rapidement, l’auteur du harcèlement peut faire circuler des photos, une rumeur, des propos dévalorisants jusqu’à constituer un groupe à l’encontre d’un camarade qui aura peut-être été un ami peu de temps auparavant. Les conséquences dépassent très souvent ce que l’auteur aurait pu imaginer ; Elles s’intègrent à plusieurs niveaux :
Psychologiques : isolement, dégradation de l’estime de soi, angoisses, repli sur soi, dépression, idées et/ou passage l’acte suicidaire
Physiques : douleurs somatiques souvent abdominales, malaises, troubles du sommeil, troubles alimentaires…
Scolaires : retards, phobie scolaire, absentéisme, déscolarisation, …
Familiales : agressivité, irritabilité…
Ces répercussions touchent de jeunes adolescents en pleine construction identitaire. Le cyberharcèlement atteint son maximum entre 11 et 13 ans. Les statistiques européennes de l’OMS, révèlent en mars 2024 que 15 % des adolescents (environ 1 sur 6) ont été victimes de cyberharcèlement, avec des taux très similaires pour les garçons (15 %) et les filles (16 %) mais aussi plus de la moitié des 20-24 ans.
Souvent, l’élève ciblé se trouve en situation de fragilité, et le harcèlement explose au collège, bien que cela ait souvent commencé plus tôt. Les troubles post-traumatiques, quant à eux, ne suivent pas un schéma linéaire et peuvent émerger des années après les faits. Même après que le harcèlement soit révélé, il est rare que la victime se sente immédiatement mieux. Un accompagnement réel, à la fois institutionnel, familial et psychologique, est essentiel pour soutenir ces jeunes.
Le harcèlement s’inscrit dans la législation du code pénal en 2022. Il aura fallu de nombreuses souffrances importantes et des dommages irréversibles pour en arriver au pénal. Les jeunes harceleurs ont souvent été malmenés, mal aimés, et ont malheureusement grandi dans un manque avéré de valorisation, de sécurisation. Peut être qu’en faisant du mal à d’autres ils acquièrent une nouvelle force, un certain pouvoir, celui de nuire à autrui à leur tour, de prendre leur revanche. Mais ce n’est là qu’un profil assez basique qui, au-delà d’apporter un peu de sens, pourrait nous aider à mener des actions de prévention et d’intervention.
Si une prise en charge de l’auteur est pertinente, un grand nombre d’actions possibles l’est d’autant plus pour la victime ;
- Sortir du silence : signaler les faits à un adulte de l’établissement (infirmière, équipe éducative…), un ami, un parent…
- Réagir (du latin reagere « repousser ») : repousser la violence par l’indifférence c’est-à-dire adopter un comportement d’indifférence participe à décourager l’auteur comme si les « attaques » glissaient et n’atteignaient pas leur cible.
- Solliciter un entretien avec la direction de l’établissement scolaire
- S’appuyer sur le dispositif PHARE : Plan interministériel de lutte contre le harcèlement scolaire du 27 septembre 2023- garantir la prise en charge de 100 % des situations signalées grâce à un plan de prévention dans tous les établissements.
- Prendre rdv avec son médecin traitant : Une consultation médicale est importante pour établir un arrêt maladie afin de faire une déclaration d’accident auprès de l’établissement pour que l’élève reste « scolarisé », même s’il est absent, et bénéficie d’un PAP ou PAI (programme d’accompagnement pour aménager la vie scolaire) et même tenter d’obtenir si besoin le SAPAD pour une intervention des enseignants à son domicile.
- Faire des captures d’écran qui pourront ensuite être utilisées lors du procès et auront encore plus de force probante si elles sont réalisées par un huissier de justice.,
- Paramétrer les réseaux. Il faut savoir aussi que les réseaux sociaux disposent de dispositifs de signalement, et peuvent sanctionner le ou les individu(s) impliqués dans l’infraction, comme les retirer, les suspendre ou les exclure de leur plateforme en ligne. Il est par ailleurs possible de signaler les propos obscènes ou menaçants directement auprès des hébergeurs des sites internet, par courrier avec accusé de réception, dans les cas où elle ne parvient pas à entrer en contact avec l’auteur des contenus incriminés ou s’il a refusé de retirer ces contenus.
- Se faire aider psychologiquement : le psychologue peut faire une évaluation clinique avec l’utilisation de différents outils et le travail thérapeutique permet de renforcer l’estime de soi, restaurer la confiance en l’autre, nommer ses émotions , garder le lien avec le milieu scolaire ou des activités extra-scolaires ; identifier et s’appuyer sur des personnes ressources pour renforcer des liens positifs, sécurisants, valorisants…Par exemple, le service de soutien psychologique « présence » de WPO prend en charge ces situations dès lors qu’un assureur relaie la demande ;
- Ligne d’écoute : Appeler le 3018 mais aussi : numéro d’appel national : 30 20 – 119 – 0800 200 200 , Fil santé jeune: 3424 , le SAMU : 15
- Il existe des échelles d’auto-évaluation sur le site du ministère de l’éducation ;
- Assurance scolaire : Elle doit garantir les dommages soit que l’élève pourrait causer à des tiers (garantie de responsabilité civile) ; ou qu’il pourrait subir (garantie individuelle accidents corporels). Les titulaires d’une police d’assurance multirisques familiale doivent vérifier attentivement la nature des risques couverts par ce contrat. Le service Présence évoqué ci-dessus, intervient en partenariat avec plusieurs compagnies d’assurances pour apporter le soutien thérapeutique adapté.
- S’adresser au Tribunal Judiciaire de Paris si vous vous estimez victime d’un cyberharcèlement, moral ou sexuel.
Nous venons d’évoquer des actions de réparation mais il y a beaucoup à dire et à penser sur les actions de Prévention. Si le cyberharcèlement peut nuire à la santé de nos enfants, de nos jeunes, de ces futurs adultes en formation qui vont faire évoluer le monde de demain, chacun de nous devrait se sentir concerné pour maintenir ou rétablir sécurité et protection dans l’usage des réseaux. Plus largement et plus que jamais j’aimerais attirer votre attention aujourd’hui, à travers ces quelques mots, pour faire évoluer l’éducation aux compétences sociales, et apporter un soin particulier aux relations humaines à travers les âges et à chaque étape de la vie.
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