L’absentéisme et la restructuration d’entreprise sont deux phénomènes qui ont des impacts importants sur le fonctionnement des salariés et la production. Ils peuvent dégrader la santé mentale et organisationnelle en influençant négativement la motivation et l’engagement des équipes. Cet article présente en détail les effets psychologiques de l’absentéisme et de la restructuration sur les collaborateurs et leurs impacts sur la santé de l’entreprise. Enfin, cet article propose des alternatives pour palier à ces effets.
L’absentéisme
L’absentéisme est en constante augmentation depuis 2020 et a atteint en 2025 un record : les salariés français se sont absentés en moyenne 23,3 jours par an, soit 11 jours de plus qu’il y a dix ans. Cette hausse s’explique notamment par la fatigue (37 % des arrêts) et les troubles psychologiques (troubles dépressifs et anxieux, syndrome d’épuisement professionnel), surtout chez les jeunes actifs (26 % des moins de 30 ans déclarent un arrêt pour raisons psychologiques) (Boltaina, L. R., & al. 2025).
Impacts de l’absentéisme sur l’équipe restante
L’absence d’un ou plusieurs collègues a pour conséquence directe sur l’entreprise la réduction des ressources disponibles pour effectuer le travail, ce qui génère de la pression sur les collaborateurs restants qui peuvent fournir du travail supplémentaire pour palier à l’absence de leurs collègues. Les études récentes confirment que cette surcharge génère du stress, de la fatigue et un risque accru de burnout (Montreuil, E. 2023). Par ailleurs, cette charge accrue est la première cause de dégradation des conditions de travail et du climat social avec des tensions (Diot-Siaci. 2025). Plus généralement, une surcharge de travail a des répercussions sur la santé physique (douleurs musculaires) et mentale (dépression, burn-out, anxiété).
Par ailleurs, des absences prolongées peuvent faire naître un sentiment d’injustice chez les salariés présents (Ridoini, N., & al. 2024). Il est surtout observé dans des équipes où les absences sont perçues comme abusives ou mal gérées par l’entreprise (non remplacement des collaborateurs manquants par exemple) (Brouwer W, & al. 2023). Cela peut entraîner une baisse de l’engagement et de la satisfaction au travail.
Impacts organisationnels
La surcharge de travail entraîne sur le long terme une augmentation des erreurs, une baisse de la qualité du travail produit puis une diminution de l’innovation et de la créativité (Montreuil E., 2023). En effet, les absences répétées peuvent désorganiser les équipes, retarder les projets et nuire à la qualité du travail car les délais deviennent plus difficiles à respecter, conséquence du manque de mains d’œuvres, ce qui impacte la performance globale de l’entreprise (Frimousse S, Peretti J.M., 2024).
Comme expliqué précédemment, l’absence prolongée de salarié peut faire naître un sentiment d’injustice, qui à son tour, provoque des tensions voire des conflits. Cette dégradation du climat social et la baisse de la qualité de vie au travail fragilise l’identité collective et la cohésion d’équipe. Ainsi, les risques psychosociaux apparaissent de façon importante (Brouwer W, & al. 2023).
La restructuration
Les restructurations qui sont en hausse depuis la crise du Covid-19 génèrent une insécurité professionnelle et une anxiété généralisée chez les travailleurs. Selon une étude de 2025, 45 % des salariés se sentent plus anxieux face à l’évolution incertaine de leur poste, craignant des suppressions d’emplois ou des changements brutaux (Boltaina, L. R., & al. 2025).
Risques psychosociaux de la restructuration chez les collaborateurs
Les restructurations d’entreprise qui apparaissent dans des contextes de rachat, d’acquisition ou de fusion est un facteur de stress important chez les collaborateurs touchant plusieurs aspects des risques psychosociaux.
La restructuration implique souvent des changements dans les rôles, les équipes et les processus générant des pertes de repères chez les salariés présents depuis plusieurs années. Ces déstabilisations réduisent le sentiment d’autonomie et de compétence perçus par les salariés (Ridoini, N., & al. 2024). En l’absence d’accompagnement solide et de communication régulière et claire, les processus de restructurations remettent en cause l’autonomie et la compétence perçue des salariés, ce qui réduit leur motivation intrinsèque (Brouwer W, & al. 2023). La réduction de la motivation s’observe par le désengagement des salariés dans leurs postes, un turnover (démissions multiples) et de l’absentéisme (Brouwer W, & al. 2023).
En outre, lorsqu’une restructuration n’est pas accompagnée d’une vigilance de la direction sur la qualité de vie au travail de ces collaborateurs, ces derniers peuvent développer une résistance aux changementx amenés par l’organisation nouvelle et dans certains cas, des conflits entre les services (Frimousse S, Peretti J.M., 2024). Les restructurations présentent un risque important dans le développement de burn-out, de troubles anxieux et dépressifs, ainsi qu’une baisse de la résilience personnelle et collective (Coibion, A., al. 2024).
Dans le cadre d’une restructuration avec plan de licenciement, les collaborateurs restants peuvent ressentir de la culpabilité et du stress entrainant une baisse de performance, même s’ils conservent leur emploi. De plus, on observe une dégradation de la confiance envers la direction avec un sentiment de trahison des collaborateurs envers celle-ci (Coibion, A., al. 2024 ; Frimousse S, Peretti J.M., 2024 ; Montreuil, E. 2023).
Enfin, les restructurations perturbent les équilibres préexistants, créent des tensions et reportent la charge de régulation sur les salariés. Les entreprises qui négligent la qualité de vie au travail durant ces plans de restructuration voient donc leurs performances et leur climat social se dégrader. À l’inverse, les entreprises qui accompagnent le changement (via des formations, la reconnaissance et un dialogue avec communication claire) limitent les effets négatifs et favorisent la résilience collective des équipes (Coibion, A., al. 2024 ; Frimousse S, Peretti J.M., 2024 ; Montreuil, E. 2023 ; Brouwer W, & al. 2023).
Leviers d’action
L’absentéisme et les restructurations ont des effets profonds et souvent négatifs sur la santé psychologique, la motivation et l’engagement des salariés. Cependant, une approche proactive centrée sur la prévention des risques avec un accompagnement du changement et une vigilance accrue de la QVCT est cruciale pour limiter les impacts négatifs de l’absentéisme et de la restructuration. En outre, ces situations sont des opportunités de renforcement collectif et de changements pour des performances durables (Coibion, A., al. 2024). A titre d’exemple, en France, les entreprises qui ont mis en place des plans d’action dans ces situations ont vu leur taux d’absentéisme diminuer de 4 % et la durée des arrêts maladie longue durée baisser de 71 jours (Coibion, A., al. 2024).
Préconisations et recommandations
Le rôle du management et de la hiérarchie ont une part importante dans les situations de restructuration en communiquant clairement et en toute transparence sur les changements à venir. Idéalement, l’implication de tous les collaborateurs dans les décisions, la clarification des objectifs et des nouveaux rôles sont préconisés. Notamment, la formation de l’équipe managériale sur la gestion du stress et la communication apporte un bénéfice sur la résilience des équipes dans ces situations (Coibion, A., al. 2024). En outre, l’évaluation des risques psychosociaux par le biais d’audits avant toute restructuration peut apporter des éclairages à la direction sur les aspects auxquels elle doit être vigilante.
Enfin, l’absentéisme peut servir de signal d’alerte pour l’entreprise afin d’améliorer les conditions de travail et la gestion des ressources humaines (Boltaina, L. R., & al. 2025). Les raisons qui poussent à s’absenter sont multiples : bien-être professionnel et personnel en déséquilibre, besoin de reconnaissance, de formation, etc. Il est d’autant plus important durant ces périodes de continuer à valoriser le rôle des collaborateurs en reconnaissant la valeur ajoutée de leur travail dans l’entreprise. Les managers peuvent proposer un soutien aux salariés par un reclassement dans un autre service, du coaching et de l’écoute. (Brouwer W, & al. 2023). Parallèlement, la promotion d’un équilibre de vie professionnelle et vie personnelle reste de rigueur. Pour finir, un meilleur suivi médical des collaborateurs absents mais aussi présents est préconisé pour limiter l’absentéisme et éviter un absentéisme par contagion (Coibion, A., al. 2024 ; Frimousse S, Peretti J.M., 2024 ; Montreuil, E. 2023 ; Brouwer W, & al. 2023).
Sources:
Boltaina, L. R., Sovet, L., Ngueutsa, R., Sarnin, P., Steiner, D. D., Deshayes, D., & Gay, B. (2025). Construction et validation de l’Inventaire de la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (I-QVCT). Psychologie du Travail et des Organisations.
Montreuil, E. (2023). Prévenir les RPS et améliorer la QVCT : Des outils pour agir efficacement (5e éd.). Dunod.
Ridoini, N., Abdelhay, B., & Biouaraine, H. (2024). L’impact de la digitalisation sur la QVCT : Vers une gestion des ressources humaines innovante et durable. International Journal of Economic Studies and Management, 4(5), 1110.
Coibion, A., Astruc, L., Atahamu-Tagi, F., Butrot, S., Chomette, B., Deberghes, F., Dubourg, E., Maiques, N., & Meriel, C. (2024). La qualité de vie et des conditions de travail : pratiques et besoins des SPSTI — Partage des résultats d’une enquête du groupe de travail QVCT du PRST Occitanie. Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement, 85(2–3), Article 102561.
Brouwer W, Verbooy K, Hoefman R, van Exel J. Production Losses due to Absenteeism and Presenteeism: The Influence of Compensation Mechanisms and Multiplier Effects. Pharmaco economics. 2023 Sep;41(9):1103-1115.
Diot-Siaci. (2025, 9 avril). Absentéisme, rapport au travail et engagement, quelles sont les tendances 2025 ?
Frimousse S, Peretti J.M. L’organisation de demain en question(s) (2024). Question(s) de management, (48)