Distribution et santé mentale
Historiquement, le constat a été fait que la distribution est l’un des domaines professionnels où la santé mentale est la plus à risque d’être malmenée (Marchand, 2007). Ce constat est intéressant, quand on sait que le bien-être et l’engagement des employés vont être liés à la productivité ; au plus un employé se sent heureux et lié à son entreprise, au plus la productivité va être élevée (Jaman et al., 2022; Kesavan et al., 2022).
Il pourrait donc être cohérent, d’un point de vue organisationnel, de se renseigner sur les divers facteurs de risque qui pourraient se montrer néfastes pour le bien-être au travail et l’engagement. Par ailleurs, connaître ces facteurs de risques pourrait s’avérer être un avantage précieux afin de discuter des manières de les contrer.
Une santé mentale à risque pour diverses raisons
De ce que nous apprend la littérature scientifique sur le sujet, les facteurs pouvant être néfastes pour la santé mentale des employés de la distribution sont multiples, et peuvent concerner le salarié, son employeur, ainsi que les clients qui rentrent en contact avec les employés.
De l’employeur, on notera que des emplois du temps difficiles à prévoir, changeants et peu clairs peuvent constituer une incertitude pour le salarié, qui en ne sachant pas comment anticiper sa journée ou la contrôler va vivre du stress (Kesavan et al., 2022). Par ailleurs, ce stress est d’autant plus important lorsque le salarié a des responsabilités externes, comme le fait d’avoir des enfants (Ananat & Gassman-Pines, 2021). En outre, le manque de diversité des tâches, et l’absence de choix dans celles-ci peut constituer une source de mal-être supplémentaire (Kesavan et al., 2022).
En ce qui concerne le salarié, plusieurs facteurs socio-psychologiques doivent être pris en considération. Pour commencer, l’appartenance à une minorité peut constituer un facteur de stress, que l’on soit une femme, une personne LGBT, ou une personne d’origine ethnique non-majoritaire, tant via la discrimination par les clients que la discrimination par d’autres employés ou responsables (Ho et al., 2023; Kössler et al., 2023; Owens et al., 2022), ou par des pressions liées à des rôles de genre (Huang et al., 2019). Ensuite, la personnalité des salariés peut également constituer un facteur de mal-être : si certaines personnes peuvent être naturellement plus anxieuses ou timides que d’autres, on peut également noter que les personnes qui prennent facilement des responsabilités et se montrent proactives sont davantage à risque de surmenage (Wahab & Blackman, 2023).
Enfin, il s’avère d’après la littérature que les clients et leur attitude peuvent affecter le bien-être des employés, surtout lorsque l’attitude du client est agressive (Mayr & Teller, 2023). Certains peuvent simplement se montrer plus difficiles à encadrer que d’autres (Mayr & Teller, 2023), mais également se montrer discriminants suivant les employés (Ho et al., 2023; Kössler et al., 2023). En outre, le fait de forcer une attitude positive avec le client peut causer chez le salarié une dissonance, source de stress, lorsque celui-ci se montre irrespectueux ; en d’autres termes, le salarié sait ou suppose qu’il n’a pas la possibilité de poser des limites strictes, et doit se montrer souriant et positif, tout en constatant que la personne en face ne l’est pas, et n’en subit aucune conséquence (Vignoli et al., 2021).
Fort heureusement, la littérature nous apprend également que face à ces facteurs de risques, des solutions existent. Ces solutions proviennent généralement de l’anticipation par les responsables et managers des conditions de travail, mais peuvent également être actionnées directement par les salariés.
Stratégies de prévention du mal-être
A la base de tout, les managers ont la possibilité d’influer sur les aspects organisationnels de l’entreprise. Ainsi, ils peuvent transmettre les emplois du temps au plus tôt possible, afin de faciliter l’anticipation des employés, et assurer une souplesse de ceux-ci au cas par cas, par exemple pour les salariés parents (Kesavan et al., 2022). Les managers peuvent également influer sur la diversité des tâches, et anticiper les besoins des salariés à ce sujet.
Ensuite, les managers sont la première ligne en ce qui concerne le rapport du salarié à son entreprise : ils ont la possibilité de favoriser un environnement inclusif et sain pour tous. De ce fait, il est important de former les équipes aux enjeux liés à l’appartenance à une minorité, et à repérer les traits de personnalité qui pourraient représenter un risque pour le bien-être des salariés. Il est également important que les managers puissent se montrer à l’écoute avec un salarié en difficulté, savoir identifier les ressources du salarié pour pouvoir faire appel à elles, et les encourager à utiliser leurs bénéfices, comme le fait de prendre une pause ou de faire appel à un programme d’aide aux employés. Cela peut passer par une formation à l’écoute active et aux méthodes de résolutions de problèmes.
Enfin, face aux clients, plusieurs avenues d’interventions sont possibles. En amont, des politiques d’entreprises claires, transmises aux employés, et permettant d’agir face aux clients difficiles pourraient permettre de réduire le stress. En outre, un soutien des responsables face aux clients difficiles ou discriminants, par l’action directe ou par le soutien psychologique et le débriefing après une altercation, peut s’avérer efficace (Kössler et al., 2023; Mayr & Teller, 2023).
Conclusions
En résumé, les facteurs pouvant porter atteinte au bien-être des employés de la distribution sont multiples et, bien souvent, interagissent entre eux. Un employé appartenant à une minorité ne rencontrera pas les mêmes problématiques qu’un employé n’en faisant pas partie, ou qu’un employé parent. Le contrôle et la réduction de ces facteurs, ainsi que la favorisation d’un environnement de travail sain et permettant de développer le bien-être des employés, appartiennent en partie à l’employeur et aux managers. Une fois ces conditions remplies, l’employé pourra actionner ses ressources externes, que cela soit par une vie personnelle plus satisfaisante, ou par un accompagnement par un professionnel de santé adapté.