Alors que de plus en plus d’employeurs réfléchissent à la manière de créer un environnement sûr et inclusif pour tous les salariés, un groupe qui mérite une attention particulière est celui des personnes ayant survécu à un cancer.
Grâce aux avancées en matière de traitement et de dépistage précoce, un nombre croissant de personnes ayant survécu à un cancer retournent au travail après leur traitement. Toutefois, la réussite de ce retour dépend en grande partie du soutien qu’elles reçoivent sur leur lieu de travail, notamment de la part de leurs managers. Se remettre d’un cancer ne se limite pas à la réhabilitation physique ; pour beaucoup, la maladie entraîne également un impact considérable sur la santé mentale et émotionnelle, ainsi que sur l’estime de soi. Dans le milieu professionnel, cela peut se traduire par une perte de confiance en ses compétences, une diminution de la motivation et du sens donné à son travail, un retrait social, ainsi qu’un stress et une anxiété accrus.
Le défi pour les employeurs est donc de faciliter un retour au travail réussi, tout en prenant en compte ces préoccupations et en favorisant le bien-être global des personnes concernées. Dans cette optique, les employeurs peuvent envisager d’adopter des solutions comme Cancer Care Compass, le premier programme inclusif à l’échelle mondiale, conçu pour accompagner aussi bien les salariés ayant survécu à un cancer que leurs managers afin de garantir une réintégration en douceur et une reprise complète.
Sarah Wood, vice-présidente et directrice générale des solutions émergentes chez Workplace Options (WPO), s’entretient avec Yara Maria Kamel, psychologue clinicienne et coach chez WPO, et son mari Edmond Ghosn, personne ayant survécu à un cancer, pour discuter de son parcours et de son expérience de retour au travail. Ensemble, ils explorent comment les employeurs peuvent offrir un soutien efficace aux salariés confrontés à cette transition.
Un aperçu de leur conversation
Sarah Wood : Pour commencer, pourriez-vous nous parler de la présence croissante du cancer en milieu professionnel, ainsi que des défis auxquels sont confrontés les personnes ayant survécu à un cancer et leurs managers lors du retour au travail ?
Yara Maria Kamel : Bien sûr, Sarah.
Le cancer n’est plus seulement une crise personnelle, c’est aussi une réalité du monde du travail. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 1 personne sur 5 dans le monde recevra un diagnostic de cancer au cours de sa vie, et une grande partie d’entre elles sont des professionnels en activité. Ce chiffre devrait augmenter de près de 80 % dans les décennies à venir, et parmi les personnes diagnostiquées, près de la moitié sont en âge de travailler.
De nombreux employeurs constatent déjà une augmentation des cas de cancer parmi leurs salariés, et un tel diagnostic peut profondément bouleverser la vie d’une personne, l’obligeant souvent à s’arrêter temporairement pour suivre un traitement.
Heureusement, grâce aux progrès du dépistage précoce et des traitements, les taux de survie ont considérablement augmenté. Cela signifie que, bien que le nombre de diagnostics soit en hausse, de plus en plus de personnes survivent au cancer et souhaitent reprendre leur activité professionnelle.
Les recherches montrent que la grande majorité des personnes ayant survécu à un cancer veulent retourner au travail, mais leur succès dépend en grande partie du soutien reçu en entreprise. C’est là que réside le véritable défi pour les employeurs.
Nous savons déjà que près de la moitié des salariés ont peur de révéler leur diagnostic à leur employeur, ce qui montre une crainte profonde quant au soutien qu’ils recevront. Plus inquiétant encore, 7 survivants sur 10 estiment que leurs managers ne sont pas préparés à les accompagner et ne leur offrent pas les aménagements nécessaires pour réussir leur retour.
Et ce problème ne concerne pas uniquement les nouveaux salariés : deux tiers des personnes ayant finalement quitté leur emploi par manque de soutien y travaillaient depuis 4 à 10 ans. Cela représente une perte significative d’expérience et de talents.
Ainsi, pour les employeurs, il ne s’agit pas seulement de gérer l’impact direct du cancer sur le lieu de travail. Ils doivent également surmonter les obstacles culturels et organisationnels qui peuvent faciliter ou compromettre la réintégration d’un salarié ayant survécu à un cancer. Créer un environnement de travail qui soutient réellement les salariés tout au long de leur parcours avec le cancer et au-delà n’est pas seulement une question d’éthique : c’est aussi un impératif business.
Le témoignage d’Edmond Ghosn
Sarah Wood : Merci, Yara. C’est un point essentiel. Maintenant, si nous vous avons invités aujourd’hui, c’est parce que vous avez une expérience directe du cancer et de l’impact profond qu’il peut avoir sur la vie personnelle et professionnelle. Edmond, merci encore d’être ici et d’accepter de partager votre histoire. Je crois savoir qu’en août 2023, vous avez été confronté à un diagnostic de cancer et aux défis du retour au travail par la suite. Pouvez-vous nous raconter votre parcours et ce que vous avez vécu, tant sur le plan personnel que professionnel ?
Edmond Ghosn : Bien sûr.
En août 2023, pendant mes vacances d’été, j’ai commencé à ressentir de légers maux de tête. Je ne m’en suis pas trop inquiété, d’autant plus que j’avais aussi des douleurs au cou et que je pensais qu’elles en étaient la cause. Mais les maux de tête persistaient, alors j’ai décidé de faire une radiographie et de consulter un neurologue. On m’a recommandé de suivre des séances de physiothérapie, mais quelques semaines plus tard, la douleur était toujours là.
Puis, un matin, je me suis senti très étourdi sans raison apparente. C’est à ce moment-là que j’ai su que je devais aller aux urgences. Une IRM a révélé une grosse tumeur pressant mon cerveau, et j’ai été immédiatement transféré en soins intensifs pour une opération chirurgicale le lendemain. Malheureusement, l’opération ne s’est pas déroulée comme prévu, et le chirurgien n’a pas pu retirer l’ensemble de la tumeur. J’ai donc dû me rendre aux États-Unis pour subir une seconde intervention dans un centre médical spécialisé.
Après cela, j’ai commencé la deuxième phase du traitement : radiothérapie et chimiothérapie, qui ont duré près d’un an. Aujourd’hui, je suis officiellement une personne ayant survécu à un cancer, en rémission, avec seulement des contrôles réguliers pour vérifier que la tumeur ne revient pas.
C’était un véritable choc. Au début, tout était chaotique, et je n’avais même pas le temps de réfléchir au travail. Le jour de mon diagnostic, j’ai simplement envoyé un message rapide à quelques collègues : “Je ne peux pas travailler, j’ai une tumeur au cerveau”, et c’était tout. Je ne savais même pas si je pourrais un jour revenir.
J’ai eu la chance d’être entouré par une équipe et des managers incroyablement bienveillants. Dès le début, j’ai ressenti un soutien énorme. Certains collègues, y compris mon directeur général, sont même venus me rendre visite à l’hôpital.
Mais le soutien ne se limite pas à la bienveillance – il repose aussi sur une structure claire, une bonne communication et un plan de réintégration adapté.
Grâce à un environnement de travail flexible et à une équipe à l’écoute, j’ai pu progressivement reprendre le travail en télétravail, à temps partiel d’abord, puis à plein temps au bout de cinq mois. Aujourd’hui, je suis reconnaissant d’être de retour et pleinement engagé dans ma carrière.
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