La pratique d’une Activité Physique Adaptée (APA) pour les personnes en situations de cancer ou post-cancer est fortement recommandée par le corps médical et les instances de santé publique (Rapport INCa, 2017[1]). Outre les bienfaits sur le corps parfois meurtri après des opérations lourdes[2], cette pratique permet de diminuer la fatigue provoquée par les traitements, d’améliorer le sommeil, la concentration, de recréer du lien social ou encore de revaloriser l’image de soi. C’est une aide à la guérison qui est désormais clairement démontrée[3].

Vers qui se tourner, quel(s) sport adopter, à quelle intensité, quelle fréquence ? Quels points de vigilance ?

Pour donner un éclairage sur le sujet, nous vous proposons une interview d’Olivier CAVERNE, consultant pour le service Réadaptation « d’aide au retour à la vie active et à un équilibre de santé »[4] de Workplace Options et le témoignage d’une bénéficiaire du service Réadaptation.

Questions à Olivier Cavernes :

Olivier CAVERNES, psychologue de la santé, est aussi sophrologue, professeur de judo et de yoga, préparateur mental via la pratique du surf. Ancien sportif de haut niveau, il aime « prendre la vague » au quotidien. Il collabore avec le service Réadaptation de WPO depuis 2016. Ce service propose aux salariés en situation d’arrêt maladie, une prise en charge pluridisciplinaire afin de les aider à se remobiliser à tous niveaux (professionnel, émotionnel, physique, etc.).

Pourquoi recommander la pratique d’un sport pendant ou post-traitement anti-cancer ?

Après un cancer, le corps est abîmé ; l’annonce elle-même de la maladie laisse une empreinte sur le corps puis s’ensuivent la chirurgie, les traitements et leurs effets. Le sport peut aider à la remise en mouvement du corps et à la re-conscientisation « corps-esprit ». Sa pratique permet de s’ancrer dans le présent, de retrouver confiance et sécurité dans le corps. S’il y a des traumas, suite au parcours de soins, l’activité physique aide à gérer le stress et à réguler l’activité hormonale.

Quels sont les points de vigilance à respecter pour une APA sécure (en traitement ou post cancer) ?

Il est nécessaire de définir des méthodes d’intervention adaptées à la personne et à ses besoins mais aussi d’appréhender la spécificité de la situation de santé, la priorité étant de la sécuriser. Procéder par étapes et augmenter progressivement l’intensité vont placer la personne dans un mouvement positif. Sans se fatiguer, elle s’engagera dans un « challenge » réaliste et réalisable pour elle-même, ce qui la valorisera.

En premier lieu, je conseillerais une activité en individuel, avec un entraineur pour veiller aux bonnes postures et adapter la pratique. Puis, si la personne en a envie, des activités en groupe pour l’aider à se re-socialiser et bénéficier de l’émulation collective.

Quelles pratiques sportives préconisez-vous en ce cas ?

La médiation psycho-corporelle est une bonne entrée en matière, elle favorise la re-création du lien entre le corps et l’esprit. Le corps en mouvement permet à la personne de dépasser les traumas liés à cet évènement de vie douloureux. Elle aide ainsi à débloquer le rapport au passé pour parvenir à se projeter vers l’avenir.  Le yoga et la sophrologie sont de bons médiateurs car ils permettent d’apaiser l’âme et le corps, de remobiliser le corps en douceur, de solliciter la cage thoracique et d’améliorer l’oxygénation via le travail de respiration et d’étirer le corps. De même, l’activité cardiovasculaire, à raison de séances de 45 minutes 2 à 3 fois par semaine sur 6 mois (à effectuer dans un cadre sécurisé et de façon progressive), contribue à diminuer la fatigue et à augmenter l’aérobie : vélo, trottinements, coaching cardio, circuit training et marche contemplative en sont de bons exemples.

Pouvez-vous donner l’exemple d’un suivi APA, du service Réadaptation, que vous avez mis en place ?

Nous avons accompagné, par le yoga, une personne ayant subi un cancer du péritoine, des traitements très lourds et une chirurgie invasive. L’objectif était double : remobiliser le diaphragme et redonner du tonus, le tout en douceur et à son rythme. Après validation de notre médecin conseil, nous avons opté pour un travail sur sa respiration pour apaiser le mental et l’ancrer dans le présent. Puis, nous avons enchainé sur un yoga dynamique pour renforcer des muscles profonds.

Que diriez-vous à une personne qui hésiterait à se lancer dans une pratique sportive lors de son traitement anti-cancéreux ou post-cancer ?

Je lui dirais qu’a contrario de la croyance du repos absolu pour gérer la fatigue et les effets des traitements, un bon moyen pour retrouver de l’énergie est de re-mobiliser le corps. L’idée est de se remettre en mouvement, avec l’avis de ses médecins. Je lui dirais de se faire confiance, d’être bienveillant et de s’accorder de la douceur. La douceur envers soi-même est déterminante dans le processus de reconstruction.

Questions à Madame X, bénéficiaire du service Réadaptation WPO, qui a vécu un cancer du sein :

Dans quel cadre avez-vous découvert / pratiqué l’APA ?

Non sportive de base, j’ai découvert l’APA lors d’une cure de soins post-cancer. J’ai poursuivi au sein d’une association, en séances personnalisées. Puis, j’ai pratiqué le yoga, le Qi-cong et l’aviron. Le service Réadaptation m’a permis de bénéficier, en complément, d’une prise en charge par une sophrologue.

Quels bénéfices retirez-vous de vos différentes activités sportives ?

Ces activités m’ont aidé à mieux gérer la douleur, à augmenter mon endurance et à remobiliser mon corps en douceur. J’ai retrouvé mes capacités d’adaptation et j’ai gagné confiance en moi. Tout ça dans la joie et la bonne humeur. A présent, je crois de nouveau en mon avenir !

Que conseilleriez-vous en termes d’APA à une personne qui vit ou a vécu un cancer ?

Je lui conseillerais d’aller vers les structures proposant des APA, de faire confiance aux professionnels qui sont attentifs et sincèrement bienveillants ; de ne pas voir peur, d’accepter d’être encouragée et soutenue. Je lui dirais que la remise en mouvement fait autant du bien au corps qu’à la tête.

L’Aide Physique Adaptée est re-mobilisatrice pour les patients en traitement ou en post-cancer. Elle doit cependant être adaptée et évolutive ; la Société Canadienne du Cancer a ainsi émis des préconisations pour se lancer dans la pratique d’un sport[5].

En fonction des besoins de la personne, de ses goûts et des objectifs visés la palette activités physiques est de plus en plus large grâce à l’initiative de nombreuses associations et institutions : marche nordique[6], Dragon Boat[7], etc.  Ré-apprivoiser son corps, prendre soin de soi, se faire plaisir par la pratique sportive apparaissent les bénéfices les plus évidents. Mais c’est aussi retrouver un temps en dehors du vécu médical, de l’hôpital, c’est dé-passer l’identité de celle ou celui en lutte contre le cancer et s’identifier en tant que « sportif » (Villaron et Cuvelier (2019)) [8], en d’autres termes :  contribuer à sa reconstruction identitaire !