LA REVUE RH&M N°94 | JUILLET 2024

Une transformation majeure du monde du travail s’opère sous nos yeux. L’IA est en train d’envahir de façon fulgurante notre quotidien au travail. Mais quel impact sur la Santé et la Qualité de Vie et les Conditions de travail ? Pour cela, il est pertinent d’en analyser les effets par le prisme des principaux facteurs de risques psychosociaux.

INSÉCURITÉ SUR L’EMPLOI ET LES CARRIÈRES
L’introduction de nouvelles technologies telle que l’IA est in- trinsèquement un vecteur de stress lié à l’incertitude qu’elle génère. Surtout que dans quelques cas, elle se traduit déjà par des réductions d’ettectifs. Pour beaucoup, l’irruption de l’IA est anxiogène, car pour la première fois elle impacte des métiers et des profils jusqu’à présent relativement protégés. Se pose la question de la complémentarité Humain IA et de l’adaptabilité de la force de travail. Face à la disruption que représente l’IA, la formation à l’utilisation des nouveaux outils et l’accompa- gnement à la transition vers de nouveaux métiers va devenir un impératif et un enjeu majeur pour les entreprises.

NIVEAU D’EXIGENCE ET DE PRESSION ACCRUE
En permettant d’automatiser les taches les plus rébarbatives et répétitives, L’IA va t’elle concentrer notre activité sur des taches à plus hautes valeur ajoutée, mais aussi à plus forte exigence en matière de performances. L’IA risque aussi de supprimer les temps morts dans la journée tout en éliminant les taches simples qui permettaient de réguler notre activité mentale. Inéluctablement l’IA va accroitre la surcharge cognitive et donc générer de la surcharge mentale. Il va donc être nécessaire de trouver des moments de répits pour se recharger les batteries, et de repenser notre temps de travail. Les facteurs de risques psychosociaux sont interdépendants, les modèles d’interaction indiquent clairement que plus d’exigence couplée avec un faible niveau d’autonomie sont facteurs de stress.

PLUS D’AUTONOMIE AU TRAVAIL OU PLUS DE CONTRÔLE ?
La question de l’autonomie au travail va se poser avec encore plus d’acuité. Des dérives du management par l’algorithme ont déjà été signalées, pensons aux activités des livreurs par exemple. Quelle latitude pour gérer des situations individuelles qui nécessitent plus de temps ou un traitement particulier ? Il est à craindre des situations de crispation avec d’un côté, des cadres avec latitude décisionnelle élevée pour gérer leurs activités, tout en surfant sur les bienfaits de l’assistance de l’IA et de l’autre le management par l’algorithme.

RELATIONS DE TRAVAIL QUI SE DÉLITENT ?
L’IA va inéluctablement modifier notre sociabilité. L’interaction avec des modèles de langage tels que ChatGPT peut en ettet donner l’impression de dialoguer avec un autre être rationnel. L’AI peut alors être perçue comme un collègue à qui l’on a accès immédiatement pour des questions précises, avec le risque de préférer l’échange spécialisé avec la machine plutôt qu’avec ses collègues. Un risque de plus de délitement du lien social déjà mis à mal par le télétravail ?

LES MANAGEURS DANS TOUT CELA ?
Une fois de plus les managers vont se retrouver en première ligne alors que l’IA s’invite même dans leurs pratiques managériales. Grâce à l’IA, ils auront accès à plus d’indicateurs de suivis et de performance. Pour quel usage ? Pour plus de contrôles ou plus de temps libéré pour mieux accompagner les équipes ? Le rôle des managers sera essentiel pour accompagner leurs équipes dans le changement, en prenant soin de leur bien être et en parti- culier de leur santé mentale, et veiller à garder le sens au travail.

En conclusion : Le déploiement de l’IA dans les entreprises doit s’accompagner d’une analyse préalable de ses impacts sur les conditions de travail et des risques psychosociaux qui peuvent en résulter. L’IA représente une telle transformation, qu’elle va nous amener à repenser la société. Va-t-on poursuivre la course à la performance dans un monde toujours plus concurrentiel, au risque de dégrader encore plus la santé mentale des tra- vailleurs ? Que faire du temps libéré ? Le débat sur le temps de travail ne peut que refaire surface.