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  • 16 janvier 2023
  • 1 an

Art et psychologie, volet 2 : l’Art thérapie

Marie Martin

Psychologue - Coordinatrice clinique & professionnelle Service Réadaptation

Marie-Charlotte DEMANGE

Psychologue clinicienne et art-thérapeute

Dans le volet précédent, nous avions introduit le sujet sur l’art et la psychologie, ici nous allons aborder l’Art thérapie : ses indications, ses médiums, ses méthodes, ses bienfaits. D’après l’OMS (rapport 2019), l’Art concourt au bénéfice de la santé mentale comme physique. Il est à la fois curatif et une aide à la reconstruction du soi mais aussi une possibilité d’exprimer autrement, que par le langage articulé, les émotions et les traumatismes. Il peut s’agir de soutenir les femmes victimes de violences conjugales, de contribuer à soigner une dépression, un stress chronique, de combattre le cancer, d’aider des enfants à supporter l’insupportable par un spectacle de clowns à l’hôpital, d’intégrer le vide et la perte d’un être cher, d’accompagner un parcours de procréation médicale, etc. Henri MATISSE le signifiait en ces termes : « La couleur surtout, et peut-être plus que le dessin, est une libération ».   

Mais alors, qu’est-ce donc que l’Art thérapie ? Couramment employée en psychiatrie via le médium de la peinture fin XIXème, l’Art thérapie a été désignée comme telle à partir de 1941 par le peintre anglais Adrian HILL. Lors de sa cure en sanatorium pour soigner la tuberculose, il dessine son quotidien, les lieux de soin, les objets (J-P KLEIN, L’Art thérapie, p. 52) : « le germe de l’Art, une fois qu’il est fermement dans l’esprit et dans le cœur, est beaucoup plus difficile à déloger qu’un autre germe qui nous est à tous plus familier. » Comme l’indique l’art thérapeute Christine PERES : « l’art-thérapie s’appuie sur l’expression artistique, ou plutôt sensible de tout être. En cela, aucune connaissance ou aptitude artistique n’est attendue car cette expression est un moyen et non une fin. »

Afin d’approfondir notre réflexion, nous avons interviewé une psychologue art-thérapeute sur le sujet ainsi qu’une personne qui bénéficie d’atelier d’Art thérapie après avoir livré son combat contre le cancer.

Questions à Mme DEMANGE, intervenante au sein du service Réadaptation WPO :

Psychologue clinicienne de formation, Marie-Charlotte DEMANGE, est également formée à la systémie et à l’Art thérapie. Elle exerce à Strasbourg, à la fois en institution et en libéral.

  • D’après vous, quelle est la différence entre l’Art thérapie et une thérapie de soin plus « classique » ?

En Art thérapie, la verbalisation n’est pas centrale comme en thérapie classique : on a recours au non verbal et à la métaphore. C’est un moyen de détour des situations ou émotions qui sont dures à mettre en mots, être dans la symbolique peut vraiment faciliter les choses. Pour les enfants et adolescents, sa pratique en collectif est intéressante via la dynamique du groupe. Moins normée que les thérapies passant par la parole, l’Art thérapie autorise à formuler sans expliciter et à aborder les situations sous un prisme différent. Par exemple, le dessin peut favoriser l’évocation d’un trauma sans avoir à nommer ce qui est douloureusement dicible et, engage par là-même un travail d’élaboration qui peut ouvrir la voie à la thérapie conventionnelle.

  • Dans quel cas et pour qui est indiqué l’Art Thérapie ?

En soi, pour tous. Par exemple, pour des personnes en situation de déficience intellectuelle, l’Art thérapie facilite l’accès aux émotions subtiles. Pour les personnes âgées atteintes d’Alzheimer, le travail sur la sensorialité est particulièrement adapté : le fait de peindre des grands formats, debout apporte un rapport au toucher et une empreinte physiologique qui permet de travailler le repérage dans l’espace qui leur fait justement défaut. Pour les enfants, l’Art thérapie donne l’occasion de sortir du scolaire par son approche ludique ; par exemple elle est efficiente en cas d’angoisse de la page blanche car elle traite la problématique en la contournant.

  • Quels sont les supports que vous utilisez dans votre pratique de l’Art Thérapie ?

J’utilise plusieurs médiums : l’argile pour le rapport à la sensorialité et favoriser la régression, le dessin et la peinture. La projection de peinture donne la possibilité de travailler sur les pulsions. J’emploie la musique sous différents formats ; par exemple je propose aux personnes d’écrire des histoires avec la musique en arrière-fond. La musique ouvre la voie des émotions et la création s’en trouve facilitée.

  • Pouvez-vous donner l’exemple d’un accompagnement et les bienfaits générés pour la personne ?

J’ai accompagné des futures mères en risque d’accouchement prématuré, alitées pendant plusieurs mois. Ce moment de création (dessin, écriture) leur permettait de sortir de l’injonction « il ne faut pas / je ne dois rien faire ». J’ai proposé à des personnes aux prises avec des troubles du comportement alimentaire des ateliers de modelage et de collage. En revisitant leurs représentations en 3 dimensions, elles ont travaillé leur rapport à leur image et à leur corps différemment d’une thérapie classique.

  • Quels sont, d’après vous, les écueils à éviter pour la pratique de l’Art Thérapie ?

Avant de se lancer, il faut réfléchir à l’objectif que vous visez à travers l’usage de l’Art thérapie et au choix de l’art thérapeute. Il y a 2 profils de professionnels formés à l’Art thérapie : des artistes et des psychologues. Certains se focalisent sur le médiateur artistique en soi, d’autres marquent plus le lien entre le médiateur (le support, l’outil) et le travail psychologique sous-jacent : c’est à voir en fonction de vos besoins.

  • Quelles recommandations feriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait bénéficier d’Art Thérapie ?

Il est nécessaire de sortir de la notion d’esthétisme pour s’affranchir de ses conventions. Il m’arrive de faire des séances sur le « moche » pour que les personnes sortent de l’injonction du beau et se lâchent.

  • Un dernier mot ?

Je dirais que l’Œuvre fait tiers dans la relation avec l’art-thérapeute, elle permet de la trianguler : patient – œuvre – thérapeute. Elle délimite également l’espace physique / psychique par son contour : le cadre de l’œuvre favorise le dépôt des émotions, représentations, etc.

Questions à Madame X, bénéficiaire du service Réadaptation WPO, victime d’un cancer de l’estomac :

  • Comment avez-vous découvert l’Art Thérapie ? De quels types d’accompagnements bénéficiez-vous ?

Ma couverture de prévoyance m’a proposé l’accompagnement Réadaptation pour me soutenir dans ma re-mobilisation émotionnelle et physique mais aussi pour préparer mon retour à la vie active. Dans ce cadre, j’ai pu accéder à une série de 10 séances en atelier d’Art thérapie avec une psychologue art-thérapeute. J’ai eu différents types de séances : dessin (crayon, feutre), modelage avec de la terre, découpage (magazines), peinture.

  • Comment se déroule 1 séance ? Pouvez-vous donner l’exemple d’une séance qui vous a marquée ?

Lors d’une séance, la psychologue me donne les consignes de départ puis nous passons à la pratique. A l’avance, elle prépare la salle et les outils. Pendant la séance, elle me guide puis nous échangeons sur ma création. Au préalable, elle m’avait demandé ce par quoi je souhaitais débuter, le dessin avais-je dit.

Je prendrais l’exemple de ma première séance, de dessin. Dans un premier temps, je devais prendre une feuille A4 dans le sens que je désirais et faire mon auto-portrait en entier à l’aide d’un crayon et d’une gomme. J’ai pu travailler mentalement sur mon image, sur le schéma de mon corps. Je m’étais dessinée avec la taille très fine, symbolisant inconsciemment le retrait de l’estomac que j’ai subi, alentour se trouvait un paysage figé. J’ai pu faire une prise de conscience, voir où je me situais et ainsi intégrer un nouveau moi. Dans un second temps, l’art thérapeute m’a demandé de retourner la feuille et de dessiner « le vous à venir » dans 3 à 5 ans. Je me suis représentée à nouveau avec une taille fine mais globalement affinée, en pantalon (alors qu’avec le traitement je dois porter des choses confortables et amples), avec d’autres cheveux et comme décor un pont et de l’eau ruisselante. J’ai fait un dernier dessin, dans un autre contexte de vie : j’y suis plus féminine, je porte une robe et des bijoux avec en arrière fond un chemin. Ce portrait fait écho à mon envie de changer de contexte professionnel.

  • Quels sont les bienfaits que vous procure l’Art-Thérapie ?

Pendant la maladie, ça aide à contrebalancer par une vision plus positive, à donner un autre sens à ce que l’on vit. A travers le dessin se produit un ancrage mental positif, un travail de prise de conscience et d’intégration des événements, de la maladie. Pour ma part, j’ai pu me ré-appropprier mon corps avec une autre façon de le voir. Ces ateliers offrent un univers qui pose, des moments de grands calmes. C’est une pause bienvenue. Je me suis aussi posée dans ma respiration comme en sophrologie : depuis la maladie, je respirais « à l’envers ».

  • Pourquoi conseilleriez-vous la pratique de l’Art-thérapie à une personne qui subit une pathologie ?

Je le conseillerais à tous, l’Art thérapie peut aussi traiter le stress, aider aux décisions de vie, ce peut être bénéfique à tout le monde. Cela permet de mettre sur le papier quelque chose qui est abstrait (la peur, …). Le cancer est abstrait, c’est très sournois, on a le sentiment d’être en bonne santé alors qu’il est présent en soi. L’Art thérapie aide à mieux accepter la situation, à mieux s’ancrer dans le réel.

  • Quelque chose à ajouter ?

Pour les enfants, je pense que l’Art thérapie a un côté ludique. En Art thérapie, il faut se laisser aller, lâcher prise, ressentir les choses différemment. Enfin, j‘ajouterais que sa pratique permet d’identifier des troubles, de faire apparaitre des choses importantes, inconnues jusqu’alors.

 

L’art thérapie – par la création et le liant opéré avec l’art thérapeute sur la réalisation obtenue – aide à penser et panser nos plaies physiques comme psychiques, appuie le process de transformation et l’émergence du contenu inconscient, elle permet également de renouer avec son élan créateur originel. Le choix de l’art thérapeute a son importance, comme l’indiquent M. Gérin et P. Plante : « la tâche première d’un art-thérapeute est de soutenir le client de tout âge dans un espace de travail où il ne sentira pas jugé. » (Art thérapie, mettre des mots sur les maux et des couleurs sur les douleurs, 2015, p : 266).

Finalement, l’Art thérapie paraît indiquée pour toutes et tous, pour des besoins allant du curatif au développement personnel et via des médiums propres à la sensibilité d’expression de tout-un-chacun. Dans son article sur « La culture et l’art comme facteurs de résilience » Petra IBLOVA (2005) souligne que – bien que l’art et la création favorisent la résilience pour les personnes en situations de handicap – « il est inutile de distinguer un artiste handicapé et un autre en bonne santé. Dans les deux cas, l’œuvre est une expression extériorisée d’un état d’âme d’artiste. » Nous le constatons, chacun peut être son propre artiste, la question n’est pas qui mais bien plutôt pourquoi et pour quoi faire ? Carl ROGERS en livre sa lecture : « Dans le sens le plus profond, être créatif, c’est se réaliser en tant que personne. »

Dans notre course effrénée du quotidien moderne, créer c’est se poser et s’autoriser à sortir de l’injonction de productivité. C’est presque un luxe accordé à soi-même. J-P KLEIN (p : 124) de nous laisser sur cette pensée : « Dans un monde obsédé du binaire, l’art thérapie prône le détour, la métaphore, l’image, la représentation, la poésie, la symbolisation … »

Références =

https://www.artforscience.eu/wp-content/uploads/2022/06/rapportOMS900publicationsquiprouventlesBienfaitsdelArtsurlaSante.pdf_

KLEIN J.-P. (1er Ed. 1997). L’Art thérapie. Paris : Editions Que sais-je ?

GERIN, M. & Plante, P. (p : 260-271) « Créativité et art-thérapie : quand le processus de création devient métaphore de vie » in HAMEL, J. & LABRECHE, J. (2015). Art thérapie, mettre des mots sur les maux et des couleurs sur les douleurs. Espagne : Editions Larousse Poche.

IBLOVA Petra, « La culture et l’art comme facteurs de résilience », Reliance, 2005/3 (no 17), p. 14-18. DOI : 10.3917/reli.017.0014. URL : https://www.cairn.info/revue-reliance-2005-3-page-14.htm

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